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La première fois que je suis allée dans la Baie-des-Chaleurs, pour naviguer et commencer à écrire ce roman-là, j’ai rencontré un vieux pêcheur. Cyrille Bernard.

C’était tout un bonhomme! À 16-17 ans, il était entré à toute vitesse, en skidoo, dans une clôture de broche, entre deux champs. Il avait passé 18 mois à l’hôpital et, 50 ans plus tard, on voyait encore les cicatrices laissées par les broches sur le parchemin ridé de son visage.

Y’avait une broche qui lui était arrivée perpendiculaire à la gorge, ça fait qu’il avait la trachée du diamètre d’une cigarette. C’est ça qu’il disait. Quand il parlait (et il parlait beaucoup!), il devait constamment reprendre son souffle. C’était comme s’il s’emplissait d’une poffe d’air marin avant de swigner sa prochaine phrase.

« Hiiii… Heille, la p’tite! Mets-toi une tuque su’a tête pis pointe-toi hiiii… sur le quai, demain matin, vers 5 heures. Hiiii… M’a t’emmener en pêche. Tu vas voir hiiii… les levers de soleil, y sont ben plus beaux à Caplan qu’à Bonaventure! »

Ça fait que ça manquait pas: le lendemain, greillée de ma tuque, je partais en pêche avec Cyrille. Lui, il m’en a conté, des histoires! Mais surtout, il disait que les plus grands bateaux qu’on prend, ils sont rarement sur l’eau et que nos meilleurs équipages, ils sont rarement marins…

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J’ai travaillé pendant six ans sur ce roman-là. Je me suis demandé, moi qui ai jamais vraiment suivi de cours le création littéraire, d’où me venait ma passion pour la structure, la couleur des images, l’émotion des personnages. La réponse est arrivée assez vite: de mes parents. Mon père, il bâtit des maison; il a le compas dans l’oeil! Ma mère est artiste-peintre, elle colore le monde. À deux, ils m’ont appris que l’horizon, il est pas juste dehors, mais bien souvent dans l’oeil des gens qui t’aiment.

Pour toutes ces raisons, je leur ai dédié le roman.

Quand je regarde les gens qui sont ici, avec moi, ce soir, je trouve que j’ai tout un équipage: mon chum, mes frères, mes belles-soeurs, ma famille; mes collègues de cégep, d’écriture, de maison d’édition qui sont devenus, avec le temps, des amis et d’autres amis aussi, que le hasard m’a offert en cadeau…

Vous autres, vous avez bâti, le long de mes côtes, des phares que vous vous entêtez à tenir allumés et, quand il manque d’air dans mes voiles, vous trouvez toujours le tour d’envoyer du vent pour les gonfler de nouveau.

Je le sais vraiment pas si les levers de soleil sont plus beaux à Caplan qu’à Bonaventure. Vraiment pas. Mais une chose est sûre: je ne voudrais fêter la sortie de ce livre ailleurs qu’ici, ce soir, avec vous.

Mille fois merci.

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